I.2. Seule... Ou presque.

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I.2. Seule... Ou presque.

Messagede Orion » Jeu 16 Déc 2010 11:46

Seule… ou presque.


Elle se réveilla en sursaut après un énième cauchemar. En sueur, elle se leva de sa couche, fiévreuse, le teint pâle. Elle s’avança dans l’obscurité du presbytère, posant sa main tremblante sur le mur froid de la cathédrale. Elle connaissait les lieux sur le bout des doigts, elle y avait grandi, mais elle était étourdie par les hallucinations qui la hantaient une fois la nuit tombée. Dans ces couloirs sombres, l’esprit ainsi embrumé, elle avait du mal à se repérer et à avancer.
Des gouttes de sueur ruisselaient sur son visage, brouillant encore plus sa vision déjà amoindrie par la douleur. Elle hésitait, chaque mouvement devenant de plus en plus difficile. Elle franchit en titubant le corridor mais dut s’arrêter, à cause des contractions.

L’espace d’un instant, elle eut l’impression que son ventre se déchirait, que des lames de rasoir tranchaient ses entrailles, et la douleur la fit chuter sur les genoux, pliée en deux par la souffrance. Sur le sol glacé de la cure, elle se recroquevilla en attendant que le mal passe.
Le cauchemar revint la hanter. Elle se revit dans les tunnels sombres sous Pointesable, attendant Délek qui ne venait pas. Elle se revit espérant dans l’obscurité que son amant la rejoigne. Elle se revit, seule, abandonnée. Pourquoi avait-il fallu qu’elle tombe enceinte de ce Varisien lâche et fuyard ? Dans les tunnels des contrebandiers sous la ville, la voici qui attendait, enveloppée dans les ténèbres. Son amant ne viendrait pas, il n’était jamais revenu.

Mais une présence chaleureuse l’entourait, la rassurait. Une présence hirsute, puante et sifflante mais une présence tout de même, la seule qui ait répondu aux espoirs de Nualia.
Dans les ténèbres de ses rêves, elle s’était sentie soutenue. Une voix s’était immiscée dans son esprit, une voix chaude et apaisante qui lui avait soufflé les mots justes pour la consoler, pour calmer sa haine, sa colère. Une voix étrange mais la seule qui ne l’avait pas jugée, qui ne l’avait pas abandonnée. Et cette voix, cette présence, s’était manifestée à elle. Elle lui était apparue.
Drapée de ténèbres, la créature était gigantesque et recouverte de poils noirs. Une tête de chien sur un corps de femme aux mamelles énormes, deux ailes noires comme la nuit et ses bras supportant deux animaux difformes, un cochon couvert de vase et une hyène à la fourrure tachetée, tous deux tétant aux seins monstrueux de la bête. D’un troisième œil ouvert sur son front, la créature observait Nualia et lui murmurait son nom. Lamashtu. La Mère des Monstres. La plus aimante des génitrices. Et Nualia avait besoin de cet amour.

Emergeant de son délire, elle tenta de se relever du sol gelé du temple. Son ventre démesuré et la douleur rendaient la tâche malaisée, et devant l’effort, les contractions reprirent.
Les convulsions se firent de plus en plus violentes et Nualia sentit l’enfant en elle se tordre de douleur en même temps qu’elle. Son corps entier était parcouru de spasmes brutaux, et elle hoquetait, à peine capable de reprendre son souffle entre deux crampes. Son supplice ne s’arrêtait pas, et les tiraillements amplifièrent alors qu’un liquide chaud et visqueux se répandait entre ses cuisses.

Elle était à peine consciente lorsque le Père Tobyn, réveillé par les râles de sa fille adoptive, la trouva dans le couloir du presbytère, couverte de sang et ayant perdu les eaux. Il hurla pour appeler à l’aide et quelques instants plus tard, une voisine accourait alors qu’il portait Nualia jusqu’à son lit, laissant sur les dalles derrière lui une traînée écarlate et poisseuse. Se remontant les manches, le vieux prêtre se préparait à l’accouchement, récitant des prières à Sarenrae, Déesse de la Guérison. Mais rien ne l’avait préparé à la suite.

Les hurlements de sa fille résonnaient dans le temple alors que l’enfant creusait la chair même de sa mère pour s’en extraire. La voisine, une guérisseuse nommée Hannah, lutta pour ne pas faire de malaise en voyant la scène. Le Père Tobyn tentait de calmer les souffrances de sa fille, et Hannah s’approcha de cette dernière pour aider à l’accouchement. Mais ce qu’elle découvrit la marqua à vie : l’enfant que Nualia engendrait n’était pas humain. Alors que la jeune fille se vidait littéralement de son sang, le bras du nourrisson franchissait déjà le sexe de sa mère. Un bras velu, couvert d’un duvet noir et dense, terminé par une petite main griffue de quatre doigts.

Le Père Tobyn, horrifié par cette vision, enchaînait les prières qu’il récitait avec une ferveur démente pendant qu’Hannah tentait de se reprendre. La jeune mère, elle, était animée de spasmes convulsifs très douloureux. Le petit être répugnant continuait à se frayer un chemin à travers ses chairs et bientôt, Hannah put distinguer le crâne difforme de l’enfant. La créature, couverte du sang visqueux de sa mère, tentait de se dégager de la prison de chair qui l’entourait, et la guérisseuse restait figée alors que le nourrisson monstrueux labourait de ses griffes les cuisses de Nualia. Cette dernière n’était plus qu’une poupée de sang et de nerf, secouée par la douleur et dont les hurlements vrillaient les oreilles de Hannah et du Père Tobyn.

Le prêtre tentait de conserver sa raison intacte. Voir sa fille adoptive enfanter un tel monstre était un choc pour le vieux Tobyn. Il avait juré d’enfermer Nualia dans un monastère lointain et regrettait à présent de ne pas avoir mis sa menace à exécution. Alors qu’il essayait de la maintenir malgré ses convulsions, il observait ses cheveux blancs, ses yeux violets et sa peau hâlée. Quel gâchis ! Comment ce cadeau des Dieux pouvait-il engendrer une telle aberration ? Quel mal se cachait en elle pour corrompre même l’enfant qu’elle portait ?

Les contractions reprirent encore plus violemment et les cris suraigus de Nualia résonnaient dans toute la cathédrale alors que le monstre continuait à traverser son bassin. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter tandis qu’il écorchait frénétiquement les chairs autour de lui.

Hannah tentait en vain de stopper l’hémorragie de la jeune mère. Le sang coulait à flots, se mélangeant à l’eau poisseuse de la grossesse, et le monstre se démenait comme un diable, griffant, tailladant, ce qui n’arrangeait rien à la santé instable de Nualia. Jamais, de mémoire de guérisseuse, elle n’avait assisté à une telle atrocité. Elle savait juste qu’elle ne pourrait permettre que cette créature vive, qu’il valait mieux que la mère ne voit jamais son enfant et que celui-ci disparaisse à jamais avant que d’autres habitants de la ville ne l’aperçoivent. Mais encore fallait-il sauver Nualia de ce terrible accouchement.

La créature parvint enfin à s’extirper du corps de sa mère. Elle leva la tête vers Hannah et la regarda, une expression de haine au fond des yeux. La guérisseuse recula, horrifiée, et se mit à hurler lorsque le monstre avança en rampant vers elle, laissant sur le sol une traînée sanglante et visqueuse. Visiblement très faible, la créature répugnante luttait pour se traîner jusqu’à Hannah. Petit à petit, ses mouvements se faisaient moins assurés et elle finit par s’immobiliser, soufflant et crachant dans un bruit rauque.

A grand renfort d’eau, de linges et de prières, le Père Tobyn tentait de calmer la souffrance de Nualia. Cette dernière ne percevait presque plus le monde qui l’entourait : tout n’était que douleur, violence et tourment. A peine entendait-elle le chant grotesque mais réconfortant de cette voix qui l’accompagnait toujours, de cette présence puante qui ne la quittait plus, de Lamashtu la Mère des Monstres, et bientôt ne résonna en elle que les battements du cœur de son enfant, qu’elle percevait malgré l’accouchement. De ces battements qui ralentissaient, comme si cette engeance ne pouvait survivre dans le monde des hommes.
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